Mémoire protestante en Pays Royannais

La naissance de la Réforme

Une adhésion massive

Le converti, à la rigueur légendaire, est animé du sentiment profond de son péché et du pardon par la seule grâce et refuse toute licence. L'apparition de la Réforme au pays des îles de Saintonge y provoqua très vite une moralisation des mœurs et le développement de l'instruction. Puisque tous doivent pouvoir accéder aux Écritures et que l'invention de l'imprimerie permet la diffusion de la Bible, les écoles se multiplient : celles de Marennes seront les plus importantes du secteur.
Par cette lecture assidue, les fidèles aperçoivent qu'ils ne sont plus sous la tutelle du Dieu terrible et vengeur dont les menace le clergé pour mieux les dominer. Non, ils sont libres ; Dieu leur a confié sa création, ils peuvent prendre en main leur destin, oser l'aventure, entreprendre - à leurs risques et périls - inventer, jouir de la vie. L'apparente facilité de ce programme paraît conduire tout droit à l'anarchie, et pourtant comme nous venons de le dire les protestants ont acquis une réputation de sérieux voire d'austérité.
Les richesses matérielles et spirituelles acquises par le travail et les compétences appartiennent à Dieu et sont au service du prochain. L'homme doit rendre compte à son sauveur de l'usage qu'il fait de sa liberté et de la gestion de la création qui lui a été confiée. On aperçoit là que la prédication réformée a introduit une nouvelle culture qui entraîne les hommes à un dynamisme efficace notamment en matière économique.

Les grottes de Meschers‑sur‑Gironde, lieu de refuge

Dans notre région ouverte sur la mer, terre de refuge en temps de persécution et en contact avec les pays protestants (notamment les bateaux hollandais venant chercher le sel à Brouage), les succès de la Réforme sont foudroyants. L'adhésion massive d'une population au fort particularisme, souvent misérable et donc assoiffée de libération et de pureté, et celle d’une petite noblesse locale conduit rapidement à l'organisation de communautés structurées et agissantes dans la société. Les réformés deviendront très vite les autorités économiques des villes et des villages. En 1544, aucune présence de la Réforme n'est attestée dans la région ; en 1576, près des trois quarts de la population s'est convertie. Mais au niveau national, l'action des Guise, qui organisent le massacre de Wassy en 1562, sonne le glas sinon d'une possible réconciliation, du moins d'une entente cordiale entre catholiques et protestants (jusqu'en 1561, à La Rochelle, les deux communautés célèbrent le culte dans un même lieu à une heure d'intervalle). Après 1562 le fossé est irrémédiablement creusé. En effet, le succès de la Réforme est allé de pair avec l'adhésion d'une partie de la noblesse, très vite en opposition avec la ligue des Guise qui veut l'extirpation du protestantisme. Une égale ambition du pouvoir anime les deux factions, qui font de ce massacre le prétexte à l'affrontement. Les conséquences en sont bien connues : excès, destructions, misère, famine, luttes d'influence, le prix étant toujours payé par le petit peuple. La religion n'était pas la cause réelle de cet affrontement ; d'ailleurs au XVIe siècle, les contemporains disent "guerres civiles", "troubles intérieurs" : ils ne parlent pas de guerres de Religion, appellation qui n'apparaît que chez les historiens du XIXe siècle. La religion représente seulement une dimension de ces conflits qui ont pour enjeu la conquête et les modalités d'exercice du pouvoir.

Dans les Îles de Saintonge, Oléron, point stratégique face à La Rochelle, sera l'enjeu de violentes batailles : Marennes et la presqu'île d'Arvert seront plus épargnés. Lorsqu'en 1588 les guerres prennent fin, les armées catholiques et protestantes se seront équitablement partagées victoires et défaites dans une égalité d'excès et de violence. On se doit cependant de remarquer que, lors même des victoires catholiques, le culte protestant ne sera que rarement interdit, attendu, dira un militaire catholique de l'époque, que la majorité de la population est de la religion prétendue réformée... et qu'il convient donc de la ménager. Ainsi, alors même que les guerres de Religion - ou d'influence pour le pouvoir - font rage, un état des églises réformées de 1576 indique une progression sensible par rapport à 1562. Il y a désormais en Charente‑Maritime 82 lieux de culte, 60 pasteurs, une soixantaine de communautés représentées au synode.

Le prêche

L'édit de Nantes va stabiliser cette situation ; jusqu'à l'édit dit "de tolérance" en 1787, le sort du protestantisme saintongeais est lié à celui de La Rochelle, l’une des plus importantes place de sûreté que l'édit de 1598 accorde aux protestants. Jusqu'en 1628, le protestantisme connaîtra trente années d'épanouissement relativement serein à défaut de croissance numérique, puisque l'édit interdit aux protestants tout prosélytisme.

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Sources documentaires

Bibliographie

  • P. Boismorand, F. Bossy et D. Vatinel : "Protestants d'Aunis, Saintonge et Angoumois". Éditions Le Croît vif, 1998.
  • Guy Binot : "Histoire de Royan et de la Presqu'île d'Arvert". Éditions Le Croît vif, 1994.
  • Collectif : "Histoire des protestants charentais" (Aunis, Saintonge, Angoumois). Éditions Le Croît vif, 2001.
  • Collectif : "Le Patrimoine des Communes de la Charente‑Maritime". Éditions FLOHIC, 2002.
  • Cahiers de la Maison du Protestantisme Charentais n°2, année 2000.
  • Archives départementales de Charente‑Maritime.
  • Recueil de la Commission des Arts et Monuments Historiques de la Charente Inférieure 1902.

Remerciements

  • Monsieur Denis Vatinel, pasteur de Royan
  • Monsieur Bernard Tastet et Monsieur Claude Goulevant, de la Société d'Archéologie et d'Histoire de Saintonge Maritime.
  • Monsieur Jacques Daniel pour la carte ancienne de l'embouchure de la Seudre.
  • Et les nombreux amis qui ont bien voulu nous faire profiter de leurs connaissances.

 

Les temples

Après la révocation de l'édit de Nantes, aucun temple n'avait échappé à la destruction. Au début du XIXe siècle, la communauté protestante reconstruit ses lieux de culte. Sur le pourtour de la Communauté d'Agglomération Royan Atlantique, à partir de La Tremblade, du nord vers le sud côté Seudre, on découvre un temple presque dans chaque commune.

temple
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Temple

Breuillet

Temple

Chaillevette

Temple

Cozes

Temple

Étaules

Temple, démoli

La Tremblade

Temple

La Tremblade

Temple, vestiges

Les Mathes - La Palmyre

Temple protestant

L’Éguille-sur-Seudre

Temple

Médis

Temple protestant

Meschers-sur-Gironde

Temple protestant

Mornac-sur-Seudre

Temple

Mortagne-sur-Gironde

Temple

Saint-Augustin

Temple

Saint-Georges-de-Didonne

Temple

Saint-Palais-sur-Mer

Temple

Saint-Sulpice-de-Royan

Temple

Saujon

Temple

Vaux-sur-Mer

Les maisons de prière

Le pasteur Louis Gibert a exercé son ministère dans la clandestinité de 1751 à 1761. À partir de 1755, profitant d'une tolérance de fait, il ouvre en Saintonge une trentaine de maisons d'oraison, des granges spécialement construites ou aménagées pour le culte. Certaines de ces maisons seront fermées ou détruites par les autorités civiles, mais peu à peu l'usage s'établit de laisser les protestants y célébrer leurs offices. Ces "maisons d’oraison" sont situées à l'écart des bourgs et des voies de communication ; elles n'ont aucun signe distinctif extérieur. À l'intérieur le mobilier se compose d'une chaire, d'une table de communion et de bancs.

Les propriétés affectées à des œuvres sociales

propriété affectée à des œuvres sociales
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Les cimetières familiaux

Notre campagne abrite çà et là des cimetières privés, témoins des guerres de Religion et de leurs conséquences. Suite à l’édit de Nantes, les protestants ont le droit d’avoir des cimetières publics dans chaque lieu où leur culte était célébré.

Mais, à la Révocation, ces cimetières, tout comme les temples, sont rasés. Le clergé refuse aux réformés de se faire inhumer en "terre sainte et bénie" et ils doivent se faire ensevelir dans des terrains privés.

À la Révolution, selon l’article 15 de la loi du 23 prairial an XII, il est décidé que : "chaque culte doit avoir un lieu d’inhumation particulier et, dans les cas où il n’y aurait qu’un seul cimetière, on le partagera par des murs, haies ou fossés, en autant de parties qu’il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacune...".

Les protestants avaient donc accès aux cimetières communaux mais certaines familles gardèrent l’habitude de se faire enterrer sur leurs terres.

cimetière familial
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Le Gisant

Saint-Augustin

La Maison du protestantisme charentais

Créée en 1994 pour sauvegarder la mémoire du protestantisme en Aunis, Saintonge et Angoumois, cette association dispose d'une importante collection de costumes, mobilier, bijoux, objets familiers propres aux protestants ainsi que des archives de familles. Ces collections datent des XVIIIe, XIXe et XXe siècles.

La Maison du Protestantisme inventorie également les cimetières et les tombes.

Maison de l'histoire du protestantisme charentais (MHPC)
19, rue du bourg - 17530 Arvert
Site web

Moule à méreau de l'église réformée de La Tremblade (XVIIe siècle).
Collection : Maison de l'Histoire du Protestantisme Charentais © MHPC

Le méreau est une sorte de "bon pour", un signe de reconnaissance ou encore, un laisser‑passer qui prend la forme la plus commune d'un jeton en plomb ou étain. Les méreaux existent depuis le Moyen Âge.

Au temps de Calvin, les anciens d’une église protestante les distribuaient aux fidèles qui étaient dignes de communier à la Cène. Ce qui explique la représentation fréquente de la coupe et du pain sur une face. Au temps des Assemblées du "Désert", ils serviront à admettre sans crainte les assistants inconnus et ainsi éloigner les espions potentiels.

Les moules à méreau qui ont pu être conservés, sont fort peu nombreux. En effet, ils étaient le plus souvent en pierre laquelle a éclaté sous l’effet de la chaleur. Certains étaient en métal et ont mieux résisté au temps.

La Maison du protestantisme charentais a la chance de posséder celui qui a permis de fabriquer les méreaux dits "de La Tremblade". Il est en cuivre et en parfait état de fonctionnement. De plus, la référence du verset qui est "32" dans l’évangile de Luc devient "82" , selon la gravure. Cette "heureuse erreur" permet donc de le distinguer au milieu des nombreux méreaux dits : bordelais.

Source : Maison de l'histoire du protestantisme charentais (MHPC)