Nouvelle-France

Lorsque les gens d'ici découvraient l'Amérique

Tout a commencé parce que les baleines avaient quitté le golfe de Gascogne vers 1536 !

Les Basques les pourchassèrent jusqu'au Groënland et à Terre‑Neuve. En chemin, ils rencontrèrent de grandes quantités de morues, un mets fort recherché par suite des obligations de "faire maigre", édictées par l'Église. Ensuite, lorsqu'ils partirent pêcher les morues, ils s'arrêtèrent en Seudre, au "Pays des Isles", afin de s'avitailler en sel, une denrée rare et chère.

Et voici comment nos marchands sauniers et mariniers saintongeais conçurent l'idée d'acheter et d'armer leurs propres navires pour lesquels ils recherchaient, auprès des commerçants de Bordeaux et de La Rochelle, des prêts "à la grosse aventure"...

Traité général des pesches de Duhamel du Monceau, 1769 © Médiathèque Michel‑Crépeau, La Rochelle

Extraordinaire aventure en vérité qui vit, en 1568, jusqu'à 60 navires partir vers le Grand Banc de Terre‑Neuve, depuis La Tremblade, Arvert, Mornac, Ribérou, Royan, Meschers, Saint‑Seurin‑d'Uzet, Talmont et Mortagne. Quatre à cinq mois de campagne de pêche, commençant par une traversée de l'Atlantique qui durait de 12 à 50 jours, selon l'humeur des vents.

Les conditions de vie en mer étaient effrayantes de précarité : les récits permettent mal de mesurer la vaillance démesurée des marins de cette époque. Et ce sont eux qui furent parmi les premiers à installer des postes de séchage de morues sur les rives du Saint‑Laurent, et à troquer avec les Amérindiens les fourrures de castors, destinées aux chamoiseries de Niort, car c'était la mode des chapeaux de feutre.

Henri IV - malgré l'opposition de Sully - comprit très tôt l'avantage qu'il y aurait à implanter, en Amérique du Nord, des installations durables afin de favoriser un commerce lucratif dont les Français auraient le monopole. Pour cela, il encouragea le Royannais Pierre Dugua de Mons, à suivre l'exemple de ses compatriotes, les marins de la Seudre et de la Gironde partant vers l'Amérique. D'autant que Dugua était protestant, ce qui valait brevet pour le roi. Le fait que Dugua eût engagé à ses côtés Samuel de Champlain, le catholique de Brouage, valait également d'être compris à sa juste portée diplomatique.

L'arrivée de nos deux héros en Acadie, en 1604, leur établissement dans l'île de Sainte‑Croix d'abord, à Port-Royal ensuite, la création de Québec, en 1608, et ce qui s'en suivit, Champlain se chargea d'en rendre compte en détails, par ses dessins, ses cartes et ses écrits, réunis en "Livres des voyages" qui acquirent très vite une grande renommée. Il y eut enfin, et ce ne fut pas la moindre conséquence de l'entreprise, la rencontre avec les premiers habitants de l'Amérique du Nord, les Amérindiens.

Ces derniers - ni anges ni bêtes, au‑delà des points de vue contradictoires exprimés par les explorateurs, les missionnaires et les historiens - offrirent, aux nouveaux arrivants, une culture originale, accomplie, en symbiose avec un pays dont les excès climatiques n'étaient périlleux que pour les Européens. Il fallut s'adapter, coopérer, lutter, s'unir, échanger. Pas sans mal et sans dommage. Mais la Nouvelle‑France naquit, dans le courage, la naïveté, la persévérance, les échecs et la détermination.

400 ans après, il y a, là‑bas, un peuple qui parle français et honore les lieux de mémoire des premiers jours, lorsque Dugua de Mons et Champlain prenaient la suite des anciens marchands sauniers et mariniers saintongeais...

Bernard Mounier

Le Grand Banc de Terre‑Neuve

Les côtes de Saintonge

En ce temps-là...

1492Christophe Colomb à Cuba et Haïti
1494Traité de Tordesillas : l’Espagne et le Portugal se partagent "le monde à découvrir"
1504Des pêcheurs basques, bretons et normands pêchent à Terre‑Neuve"
1519Magellan et son lieutenant El Cano voyagent autour du monde et Cortez débarque au Mexique
1524Verrazano invente les noms de "Arcadie" et de "Nova Francia"
1534Premier voyage au Canada de Jacques Cartier à la demande de François Ier
  • Rabelais publie son Gargantua
1537La bulle Sublimis Deus, promulguée par Paul III :
"Les sauvages étant vraiment des hommes, ils sont aptes à être baptisés dans la foi chrétienne"
1546Premier prêt attesté "à la grosse aventure", à des marchands sauniers et mariniers saintongeais pour la pêche à Terre‑Neuve
1560 ?Naissance de Pierre Dugua de Mons à Royan
1568‑1570  IIIe Guerre de Religions
1570 ?Naissance de Samuel de Champlain à Brouage
1599Voyage de Champlain au Mexique
1600Premier voyage de Dugua au Canada
1604Établissement de Dugua et Champlain en Acadie, sur l’île Sainte‑Croix
  • Képler découvre la supernova qui porte son nom
  • Galilée étudie les lois du mouvement
  • Shakespeare écrit Othello
1605Établissement de Dugua et Champlain à Port‑Royal
1608Établissement de Champlain à Québec
1610Assassinat d'Henri IV par Ravaillac et avènement de Louis XIII
1610‑1617    Dugua de Mons est nommé Gouverneur de Pons
1628Mort de Dugua en son château d’Ardenne, près de Pons
1635Mort de Champlain à Québec
1713La France cède à l’Angleterre l’Acadie péninsulaire et Terre‑Neuve sauf Saint‑Pierre‑et‑Miquelon
1755"Le Grand Dérangement" : les Français d’Acadie sont chassés par les Anglais.
Beaucoup s’exilent en Louisiane vendue par Napoléon, d’abord espagnole puis française et finalement vendue aux Américains en 1803

La grosse aventure du Pays des îles

En 1568, selon Marc Seguin, on peut compter 60 navires partis vers TerreNeuve, depuis les ports de la Gironde et de la Seudre.

Les pêcheurs basques poursuivaient les baleines depuis le golfe de Gascogne jusque dans les parages de Terre‑Neuve et ce, depuis le début du XVIe siècle. Ils avaient également découvert la richesse des bancs de morues, suivis en cela par leurs collègues normands et bretons, ainsi que certains Rochelais. En 1534, Jacques Cartier avait croisé nombre de leurs bateaux, en allant planter la croix sur les rives du Saint‑Laurent, à la demande de François Ier.

Ce fut avant tout une affaire de profit, lié au sel, qui décida les gens d’ici à suivre leurs traces. Denrée rare et chère (ne lui doit‑on pas le nom de "salaire", dédié à l’argent payé pour le travail ?), le sel était produit en grande quantité dans le "Pays des îles", entre Brouage, les îles d’Aix, de Ré, d’Oléron et la Seudre. Les marchands sauniers en avitaillaient les pêcheurs basques et normands et l’idée leur vint ainsi d’armer, pour cette pêche, leurs propres navires et de rechercher, auprès des armateurs et commerçants de Bordeaux et La Rochelle, des prêts en espèces, dits "à la grosse aventure".

Ainsi débuta pour la Saintonge Maritime, vers 1546, une extraordinaire épopée que l’on a peine à mesurer à sa vraie grandeur. En 1568, selon Marc Seguin, on peut compter 60 navires partis vers Terre‑Neuve, depuis les ports de la Gironde et de la Seudre.

Les registres notariaux de La Rochelle (très lacunaires sur le XVIe siècle) et surtout ceux de Bordeaux, donnent des renseignements précis sur les affrètements, le nom des armateurs, ceux des pilotes, capitaines et membres d’équipage, la quantité de denrées, la teneur des équipements et les armes embarquées pour des voyages - dont la durée allait jusqu’à cinq mois -, ainsi que le tonnage de morues rapportées au retour. D’autres documents parlent des aléas de la traversée, des conditions de vie, souvent épouvantables, qui régnaient à bord et des morts fréquentes de membres des équipages.

Guy Binot, citant l’Histoire ecclésiastique, évoque "les gens de marine (de la Seudre), c’est‑à‑dire presque sauvages et sans aucune humanité, mais au reste fort vaillans et hardis sur mer où ils font de grands voiages jusques aux plus lointains pays et au reste fort fidèles au Roy".

Certains textes restituent, en effet, la frayeur permanente qui pouvait saisir les marins naviguant dans les brumes, au milieu des icebergs, juste réchappés d’une tempête, traçant leur route avec des instruments rudimentaires, en butte aux croyances et aux superstitions les plus fantastiques, s’attendant à voir surgir de l’obscurité les monstres dont les dessins ornaient les cartes d’une géographie approximative… Mais ils naviguèrent, malgré tout, assurant la prospérité de la Saintonge Maritime, jusqu’à ce que la fortune de France passât aux mains des Anglais, dans cette partie du monde, en 1763.

Et ils participèrent grandement aux premiers échanges commerciaux avec les Amérindiens, à l’occasion de l’installation, sur les côtes canadiennes, des "chaffauds" destinés au séchage et à la préparation des poissons. Les fourrures de castors troquées contre les couteaux, les haches ou les poteries, étaient ensuite vendues à La Rochelle, aux acheteurs des fabriques de chapeaux de feutre, de Niort et d’ailleurs.

Autant de récits d’aventures, propres à nourrir l’imagination et les rêves de Pierre Dugua de Mons et de Samuel de Champlain, dès leur plus jeune âge, qui à Royan, qui à Brouage…

Les ports qui arment pour Terre-Neuve

Selon les contrats conservés par les notaires de Bordeaux, Libourne et La Rochelle
Nota : les contrats distinguent mal Arvert et La Tremblade
© Documentation Marc Seguin

Les emprunts à la grosse aventure

1546 ~ 1585

Afin d’armer pour la pêche à Terre‑Neuve, il fallait réunir plusieurs conditions : un navire et son capitaine (on disait "son maître"), un bon pilote, un équipage bien entraîné à la mer, enfin et surtout un armateur (on disait "un bourgeois") intéressé à réunir les fonds nécessaires. Auprès de ces derniers, "bourgeois" de Bordeaux ou de La Rochelle, les "maîtres" sollicitaient un emprunt dit "à la grosse aventure".

Les bourgeois s’adressent alors à des marchands spécialisés qui prennent en charge les dépenses de nourriture et d’achat de sel. Il faut du sel pour conserver les morues. Chacun connaît les normes : 3/4 de muid par tonneau de jauge. Un poisson de qualité exige un sel blanc (si possible de l’île d’Oléron, mais le sel de nos marais faisait également l’affaire, à moindre coût).

La nourriture de base ? Le "pain biscuit en fouasse", le vin rouge, le lard. On compte 2,5 quintaux de pain pour une ration quotidienne de 800 grammes, et une pipe de vin (450 litres) par homme, soit 2,5 à 3 litres par jour. Chacun a droit à une "couste de lard", avec des pois (qui sont souvent des fèves), de l’huile, du beurre, du poisson salé, parfois du bœuf et de la chandelle et des bûches.

Le vin rouge est de mauvaise qualité. Il vient souvent du Haut‑Pays de Guyenne, rapporté par les barques qui vont livrer le sel à Bordeaux et Libourne. Il vient aussi de l’île d’Oléron, avec le sel. Le biscuit est vendu en grande quantité par les boulangers bordelais et rochelais, mais sans doute aussi par ceux des petits ports ; ce n’est pas pour rien que Nicolas Alain s’émerveille, en 1565, du grand nombre de moulins à vent qui tournent sur les buttes de Meschers.

Parmi les premiers navires répertoriés en Pays Royannais, en 1546, au nombre de ceux qui se hasardent vers Terre‑Neuve, sous la conduite de maîtres basques, on note la Marie (80 tonneaux) qui appartient conjointement à Guillaume Roux, marchand de Vaux, Elie Laloué, marchand de Royan, sieur de Foissac, et Jean Devaux, marchand d’Arvert (l’un des premiers calvinistes repérés aux "isles" par l’Histoire ecclésiastique).

À la suite, des dizaines d’autres navires partirent de nos ports et tentèrent l’aventure, laquelle
s’étant en quelque sorte banalisée, demandait cependant, de la part des maîtres et de l’équipage,
toujours autant de courage et une force peu commune, pour s’embarquer sur des bâtiments
construits, la plupart du temps, pour un trafic de cabotage sur les côtes européennes.

La liste des navires répertoriés donne une bonne idée de l’engouement qui saisit les gens d’ici face aux réussites financières observées, à la suite des premières "aventures". Certes les risques étaient patents, et si le navire sombrait, la perte était pour le prêteur, mais comme les terre‑neuviers revenaient (presque) toujours, cette opération assurait d’énormes bénéfices.

D’après Marc Seguin, 2005

1568 : un emprunt de 100 livres à la grosse aventure

"Sachent tous que par devant moi Nicolas Duprat, notaire et tabellion royal en la ville de Bordeaux et sénéchaussée de Guyenne, présents les témoins ci après nommés, a été personnellement établi Pierre Bonhomme, maître et bourgeois du navire nommé Le Croissant de Royan, duquel est maître et pilote Guillaume Bourdeau, lequel a confessé devoir à sire Gaillard Le Brethon, bourgeois et marchand de Bordeaux, à ce présent et acceptant, la somme de cent livres pour pareille somme à lui prêtée à la grosse aventure pour faire partie des avitaillements du dit navire pour aller à la Terre-Neuve à la pêcherie des morues, laquelle somme il a reçu du dit Le Brethon, comptant, sur ces présentes, en deux nobles à la rose, vingt et un ducats, six impériales et monnaie blanche, s’en est tenu pour content."

"De laquelle somme le dit Le Brethon a pris toutes aventures de mer et de guerre sur la quille du dit navire partant de la rivière de Seudre, tout prêt, avitaillé, munitionné et appareillé, ancres et voiles levées en temps convenable, et allant de droite route jusques au dit lieu de Terre-Neuve, et du dit lieu retournant aussi de droite route à l’un des dits ports de Bordeaux ou de La Rochelle…"

© Archives départementales de la Gironde, 3E 5449, Fol. 51 v°‑1568, 28 janvier

Les terre-neuviers du Pays Royannais

1546 ~ 1585

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Arvet - La Tremblade
L'Alouette
(58 t)
"Bourgeois" : Pierre Rochon, d'Arvert (3/4) - Pierre Thomas (1/4).
Maître : Pierre Thomas.
Repéré : 1566, 1567, 1568, 1569.
La Barbe
(80 t)
"Bourgeois" : Ithier Barguenon, marchand de Saintes (1/2) - Elie Frezil, d'Arvert (1/2).
Maître : Elie Frézil.
Repéré : 1567.
Le Baron
(140 t)
"Bourgeois" : Pierre Etienne, marchand du bourg d'Arvert.
Maître : Jean Mothon de Silhouette, de Biarritz.
Repéré : 1554.
La Bastienne
(65 t)
"Bourgeois" : Jean Bonneau, marchand d'Arvert.
Maître : Jean Berlan.
Repéré : 1566.
La Bonne-Aventure
(70 t)
"Bourgeois" : Jean Ebrard, l'aîné, dit "Rochon" - Cosme Bechet - Jean Escubert, tous d'Arvert.
Maîtres : Jean Prélène - Jean Berbezis (gendre de Jean Ebrard, l'aîné).
Repéré : 1561, 1562, 1563, 1564, 1565, 1566.
La Bonne-Aventure
(100 t)
"Bourgeois" : Bernard Bonneau, de La Tremblade.
Maître : ?
Repéré : ?
La Brave
(70 t)
"Bourgeois" : Martin Geay - Guillaume Arnaud, tous deux de La Tremblade.
Maître : Louis Reparon (La Tremblade).
Repéré : 1564.
Le Chérant
(100 t)
"Bourgeois" : Mathurin Dubois, marchand de La Tremblade (1/3) - Jean Herbert (1/3) - François Sauteron, de La Tremblade (1/3).
Maîtres : Jean Herbert (1564 et 1569) - Elie Rossignol (1565 et 1568).
Repéré : 1564, 1565, 1568, 1569.
Le Chevasson = La Bonne‑Aventure 
(68 t)
"Bourgeois" : Jean Bizeau, marchand d'Arvert (1/2) - Jean Guitard, marchand d'Arvert (en partie) - Jean Ebrard.
Maîtres : Jean Ebrard (1567) - Louis Berard (1568).
Repéré : 1564, 1566, 1567.
La Colombe
(120 t)
"Bourgeois" : Bernard Bonneau, du "Petit Pont" à La Tremblade (7/16e) - Jean Berton, le jeune (1/8) - Pierre Devault.
Maîtres : Jean Berton, le jeune (1564) - Jean Pariau (1565) - Jean Robin (1566) - Saulvat du Vignau, basque (1567) - Jean Brun (1568) - Jean Bonneau (1571, 1572).
Repéré : 1563, 1564, 1565, 1566, 1568, 1571, 1572.
Le Croissant
(75 t)
"Bourgeois" : Jean Breton, l'aîné - Nicolas Gentet - Guillaume Rulleau.
Maître : Jean Gentet.
Repéré : 1562, 1563, 1565, 1566, 1567.
Le Dragon
(80 t)
"Bourgeois" : Bernard Bonneau, de La Tremblade.
Maîtres : Jean Brun (1579) - Gassiot Saulnier (1580).
Repéré : 1579, 1580.
L'Emerillon
(68 t)
"Bourgeois" : Etienne Payault, marchand de La Tremblade - Léonard Maistre, marchand-marinier de La Tremblade.
Maître : Léonard Maistre.
Repéré : 1577, 1578, 1579, 1580.
L'Espérance = L'Espoir
(95 t)
"Bourgeois" : Jacques Texier, de Saint-Palais (1/2) - François Laloué, seigneur de Brie, de La Tremblade (1/2).
Maîtres : Jacques Baudouin (1564) - Pierre Bodard (1568) - Mathurin Regnault (1572).
Repéré : 1564, 1567, 1568, 1572.
L'Espérance
(75 t)
"Bourgeois" : Jean Bizeau, marchand d'Arvert.
Maître : Jean Chambreau.
Repéré : 1567.
L'Espérance
(100 t)
"Bourgeois" : Jean Herbert, marchand de La Tremblade (1/2) - Arnaud du Halde, marchand de La Rochelle (1/2) 1580 : Jean Herbert, maître et marchand de La Tremblade (1/2) - Etienne Payault, marchand de La Tremblade (1/2).
Maître : Jean Herbert, de La Tremblade (1578, 1580).
Repéré : 1578, 1579, 1580.
La Fleur de Lis
(90 t)
"Bourgeois" : Jean Mercier, l'aîné.
Maître : Jean Mercier l'aîné.
Repéré : 1567.
La Françoise
(80 t)
"Bourgeois" : Jacmet Esguier (1/2) - François Sauteron - Marie Esguier, veuve de Jean Geay.
Maître : François Sauteron.
Repéré : 1563, 1564.
La Françoise
(70 t)
"Bourgeois" : Pierre Bourdet, de Bordeaux - Pierre Poitevin, marchand marinier de La Tremblade (1/1 1572).
Maîtres : Pierre Lortie (1566) - Guillaume Guitard (1571) - Jean Martin, de La Tremblade (1572).
Repéré : 1565, 1566, 1567, 1571, 1572.
Le Jacques
(80 t)
"Bourgeois" : Michel Martin (2/3 en 1567) - Jean Dibonneau (1/3) en 1567) - Mathurin Arnaud.
Maîtres : Jean Dibonneau (1564) - Mathurin Arnaud (1571).
Repéré : 1563, 1564, 1565, 1566, 1567, 1571.
Le Lévrier
(120 t)
"Bourgeois" : Micheau Martin 1578 : Mathurin Martin (1/2) - Guillamne Gabaret, marchand de La Tremblade (1/2)
Maîtres : Micheau Martin (1566-1567) - Jean Dibonneau (1571-1572) - Mathurin Martin (1578-1580).
Repéré : 1567, 1568, 1569, 1571, 1572... 1578, 1579, 1580.
Le Lion
(110 t)
"Bourgeois" : Etienne Payault - Jean Geay, le jeune.
Maîtres : Jean Geay, le jeune (1568) - François de Lhoumeau (1569) - Etienne Payraud (1571) Elie Frezil (1572).
Repéré : 1568, 1569, 1571, 1572.
Le Mardi-Gras = La Catherine
(56 t)
"Bourgeois" : Jean Bizeau, d'Arvert - Pierre Rochon, marchand d'Arvert.
Maîtres : Louis Brot (1563) - Jean Ledet (1566).
Repéré : 1563, 1564, 1565, 1566, 1567.
La Marie
(80 t)
"Bourgeois" : Guy Baudouin, de Mornac - Jacmet Dubois, de La Tremblade - Martial Melon.
Maîtres : Jacmet Esguier (1564) - Jacques Baudouin (1566) - Guillaume Papin (1569).
Repéré : 1564, 1565, 1566, 1567, 1568, 1569.
La Marie
(95 t)
"Bourgeois" : Etienne Payault, marchand d'Arvert (1/3) - Jean Boutineau (1/3) - Pierre de Loulme, marchand de Bordeaux (l/3) (1580). Jean Boutineau (l/3) - Charlotte Drouillard, veuve, sa bellemère (2/3).
Maître : Jacques Brun, d'Arvert (1564, 1566).
Repéré : 1564, 1565, 1566... 1580.
L'Oignon
(70 t)
"Bourgeois" : Jean Mestoyer - Jean Boutineau - Louis Rulleau, tous d'Arvert - Raymond Ducasse, de Bordeaux.
Maîtres : Jean Mestoyer, dit "Poussault".
Repéré : 1567, 1568, 1569.
Mornac-sur-Seudre
L'Arnaude
(70 t)
"Bourgeois" : Guillaume Amyant.
Maîtres : Jean Papin (1568) - Pierre Morinneau (1571).
Repéré : 1565, 1566, 1567, 1568, 1571.
L'Espérance 
(70 t)
"Bourgeois" : André Marie, marchand de Saint-Sulpice - Jean Duchasgne, marchand de Saint-Sulpice - Henri Joussant.
Maître : Mathurin Moreau. Repéré. 1563, 1564, 1565.
La Marie
(70 t )
"Bourgeois" : Guillaume Amyant ; Jean Babin.
Maîtres : Jean Babin (1565) - Pierre Morineau (1568) - Michel Grégoire (1571).
Repéré : 1566, 1567, 1568, 1571.
La Regnaude
(60 t)
"Bourgeois" : Guillaume Amyant.
Maîtres : Jean Raoul, de La Tremblade.
Repéré : 1566, 1567.
Le Tardy
(75 t)
"Bourgeois" : Guillaume Augereau (en partie).
Maître : Guillaume Augereau.
Repéré : 1564.
Fontbedeau
La Marie
(60 t)
"Bourgeois" : Jean Ardouin ?, Elie Meschin ?, Mathurin Ardouin ?, Etienne Moquillon ?.
Maître : Etienne Moquillon (du Breuil du Pas.)
Repéré 1585.
Ribérou
La Catherine
(61 t)
"Bourgeois"  ?
Maître : Pierre Touzeau.
Repéré : 1549.
Le Croissant
(?) 
"Bourgeois" : Pierre Daubigeon.
Maître : Pierre de la Roche.
Repéré : 1568.
L'Espérance
(70 t)
"Bourgeois" : Michel Boursicot (en partie) - Pierre Gouin, charpentier de navire (2/3) - Jean Couturier, dit "Félix" (1/3). En 1569, Jean Gaignard et Raymond Duport de Bordeaux.
Maîtres : André Thomas, de Saujon (1560) - Jean Couturier, dit "Félix".
Repéré : 1559, 1560, 1561, 1562, 1563, 1564, 1565, 1566, 1567, 1568, 1569.
L'Espérance
(70 t)
"Bourgeois" : ?
Maître : Jean Geay.
Repéré : 1566.
Le Gabriel
(90 t)
"Bourgeois" : Pierre Angibaud, marchand de Ribérou - Pierre Girault.
Maître : Pierre de la Roche (Saujon).
Repéré : 1561, 1562.
Mortagne-sur-Gironde
L'Aventurier
(100 t)
"Bourgeois" : Michel et Louis Durand, frères, marchands‑mariniers de Mortagne.
Maître : Michel Durand.
Repéré : 1580, 1581.
La Fleur de Lis
(100 t)
"Bourgeois" : Pierre Bourdon : Guillaume Rodier.
Maître : Guillaume Bourdeau.
Repéré : 1585.
Le Gabriel
(60 t)
"Bourgeois" : Guillaume Radier, de Mortagne.
Maître : Audet Mambras.
Repéré : 1578.
La Lévrière
(70 t)
"Bourgeois" : Pierre Bourdon.
Maître : Jean Gentet.
Repéré : 1568, 1571, 1573.
Le Trois en Un
(60 t)
"Bourgeois" : Pierre Bourdon.
Maîtres : Jean Gentet (1579) - Guillaume Bourdeau.
Repéré : 1579, 1580, 1581, 1582, 1583.
Saint-Seurin-d'Uzet
La Brave
(60 t)
"Bourgeois" : Jean Joly, marchand de Saint‑Seurin‑d'Uzet.
Maître : Jean Couturier.
Repéré : 1566.
L'Espérance
(70 t)
"Bourgeois" : Mondin Drouhet, de Saint‑Seurin‑d'Uzet (en partie) - André Girault, en partie.
Maître : André Girault.
Repéré : 1566, 1567.
La Madeleine
(75 t)
"Bourgeois" : Jean Joly, marchand de Saint‑Seurin‑d'Uzet - Michel Guestîer, de Talmont.
Maître : André Girault.
Repéré : 1564.
La Marie
(60 t)
"Bourgeois" : Nicolas Resne, Michel Vedeau, Jean Mauvillain, tous de Saint‑Seurin‑d'Uzet.
Maîtres : Meric Josset - Nicolas Resne.
Repéré : 1560, 1561, 1562.
Talmont-sur-Gironde
La Marguerite
(54 t)
"Bourgeois" : Antoine Mulon, de Talmont.
Maître : Antoine Mulon.
Repéré : 1585.
Meschers-sur-Gironde
Le Croissant
(50 t)
"Bourgeois" : Jean Benoist (1/3) - Pierre Brun (1/3) - Daniel Suire (1/3).
Maître : Jean Benoist.
Repéré : 1585.
L’Espérance
(50 t)
"Bourgeois" : Bernard Ardouin, de Meschers (2/3) - Romain Duport, marchand de Bordeaux (1/3).
Maître : Nicolas Ardouin, de Meschers.
Repéré : 1584.
La Françoise
(70 t)
"Bourgeois" : Bernard Ardouin, de Meschers, Romain Duport, marchand de Bordeaux.
Maître : Nicolas Ardouin, de Meschers.
Repéré : 1580.
La Jacqueline
(51 t)
"Bourgeois" : Pierre Descart, Gaillard Léotard, marchand de Bordeaux.
Maître : Pierre Descart.
Repéré : 1585.
La Jeanne
(60 t)
"Bourgeois" : Jean Mesples, de Meschers.
Maître : Maurice Mesples.
Repéré : 1557.
La Julienne
(100 t)
"Bourgeois" : Jean Mesples, de Meschers - Maurice Mesples, son frère - Pierre Mesples, marchand de Meschers - Antoine Herault, de Mortagne.
Maîtres : Maurice Mesples - Pierre Morineau.
Repéré : 1563, 1564, 1565, 1566, 1567, 1568, 1569.
La Liposse
(50 t)
"Bourgeois" : Maurice Mesples, Berthomé Vallade.
Maître : Berthomé Vallade.
Repéré : 1585.
La Marguerite
(?)
"Bourgeois" : Jean Mauvillain, de Saint‑Seurin‑d'Uzet ; Pierre Vaillant, marchand de Meschers - Mathurin Suire, marchand de Meschers.
Maître : Georges de La Rugan (basque).
Repéré : 1549.
La Marie
(70 t)
"Bourgeois" : Blaise Gaultier (1/2) - André Fillon (1/2).
Maître : André Fillon.
Repéré : 1564, 1565, 1566, 1567.
La Matheline (70 t)"Bourgeois" : Jean Testu, marinier de Meschers, jusqu'en 1570 - Mathurin Testu, son fils, ensuite.
Maître : Mathurin Testu.
Repéré : 1564, 1565, 1566, 1567, 1568, 1571.
Le Renard
(70 t)
"Bourgeois" : Maurice Mesples.
Maître : Maurice Mesples.
Repéré : 1561.
Royan
L'Aigle
(90 t)
"Bourgeois" : Guillaume Roux, de Vaux (3/4) - François Roux, son fils - Jean du Courtiou, de Bordeaux - Bernard Bonneau, charpentier de navire d'Arvert - Blaise Bessart, marchand de Bordeaux (1/4) en 1562.
Maîtres : François Roux (1559) - Jean Robin, de Saint-Palais (1567)
Repéré : 1559, 1560, 1561, 1562, 1563, 1564, 1565, 1566, 1567.
La Brave
(80 t)
"Bourgeois" : Jean Dartigue, l'aîné (1/3) - Denis Clémenceau, marchand de Vaux (1/3).
Maîtres : Jean Dartigue, le jeune, de Saint Palais.
Repéré : 1566, 1567, 1569, 1570.
Le Croissant
(70 t)
"Bourgeois" : Jean Amyant, marchand de Royan - Pierre Bouhard, de Bordeaux.
Maîtres : Guillaume Prevost (1565) - Jean Couturier (1566).
Repéré : 1565, 1566, 1567, 1568, 1569.
Le Croissant
(80 t)
"Bourgeois" : Pierre Bonhomme, de Médis - Jean Bonhomme, de Médis, son frère.
Maîtres : Pierre Bonhomme (1567) - Guillaume Bourdeau (1568).
Repéré : 1567, 1568.
La Denise
(80 t)
"Bourgeois" : Jean Amyant, marchand de Royan.
Maître : Mathurin Moreau, de Royan.
Repéré : 1569.
L'Espérance
(90 t)
"Bourgeois" : Jean Babin, de Saint-Palais.
Maître : Jean Babin, de Saint-Palais.
Repéré : 1566.
La Fleur de Lis
(80 t)
"Bourgeois" : Guillaume Roux, marchand de Vaux.
Maître : Mathurin Roux, fils de Guillaume (1567) - Gilles Jugan (1568).
Repéré : 1567, 1568.
La Fleur de Lis
(80 t)
"Bourgeois" : Mathurin Moreau, de Royan.
Maître : Mathurin Moreau.
Repéré : 1567, 1572.
La Françoise
(?)
"Bourgeois" : François Ialoué, marchand de La Tremblade.
Maître : Jacques Texier.
Repéré : 1561.
Le Georges
(90 t)
"Bourgeois" : Jean Babin, de Saint- Palais, seigneur de Courlay - Bernard Laloué, seigneur de Taupignac - Élie Laloué, marchand de Saint‑Palais‑sur‑Mer, seigneur du Vignau.
Maîtres : Jean Babin (1567) - Hugues Babin (1568).
Repéré : 1567, 1568, 1569.
Le Georges
(80 t)
"Bourgeois" : François Prezil, marchand de Vaux.
Maîtres : Jean Robin - Jean Grousseau (1571).
Repéré : 1569, 1571.
Le Jacques
(85 t)
"Bourgeois" : Guillaume Roux, marchand de Vaux.
Maîtres : Raymond de La Gaillardie (basque) (1548, 1549) - Minjonin de Leylac (basque) - François Roux.
Repéré : 1548, 1549, 1553.
La Jehanne
(100 t)
"Bourgeois" : Pierre Guiton (père), de Royan.
Maître : Pierre Guiton (fils).
Repéré : 1549, 1554, 1551, 1552, 1553.
La Marie
(80 t)
"Bourgeois" : Guillaume Roux, marchand de Vaux - Élie Laloué, marchand de Royan, sieur de Foissac - Jean Devaux, marchand d'Arvert (1546).
Maîtres : Jeannot de Mongrier (basque) - Raymond de La Gaillardie, de Cap‑Breton (basque).
Repéré : 1546, 1547, 1548, 1549.

1553 : équipage de la Jehanne de Royan

"Sachent tous présents et à venir qui ces présentes lettres verront et entendront, que, devant moi, Jehan Gealloffier, notaire et tabellion royal en la ville et cité de Bordeaux et sénéchaussée de Guyenne, et en la présence des témoins susnommés, ont été présents et personnellement établis Pierre Guyton le vieux, maître après Dieu du navire nommé la Jehanne de Royan en Saintonge, d’une part, et sires Gyron Gyrard, Raymond Cause et Pierre Regnier, marchand et bourgeois de Bordeaux.

Entre lesquelles parties ont accordé comme s’ensuit. Savoir que le dit Guyton a délaissé et baillé son dit navire du port de cent tonneaux ou environs, équipé bien et véritablement comme appartient à navire et comme il apparaît par instrument reçu et passé par Maître Jehan Lorthie, notaire royal au dit Bordeaux, le seizième jour de décembre 1552, pour faire, à l’aide de Dieu, du premier beau temps acceptable, le voyage à la pêcherie de la TerreNeuve, aux dits Gyrard, Cause et Regnier qui ont fait le ravitaillement du dit navire pour faire le dit voyage, ce que les maîtres, pilote, et compagnons du dit navire ont connu et confessé avoir au dit navire et s’en sont contentés, ensemble du dit navire ainsi qu‘il est garni et équipé présentement, étant en la rivière de Bordeaux.

Lesquels maître du dit navire nommé Pierre Guiton, maître du dit navire, du dit lieu de Royan, Mathurin Landrault, pilote, de la ville de Bordeaux, Arnault Guyton, de Médis, contremaître, Pierre Audureau, charpentier, de Bordeaux, Antoine Paris, canonnier, de Meschers, Arnault Grigault, barbier, de Bordeaux, Domynyque Debien, de Royan, Guillaume Gaudin, d’Allebert, Jacques Guychelyn, de Meschers, Jacques Vergier, du dit lieu de Royan, Vincent de Cloyry, de Bordeaux, Etienne Masson, du dit lieu de Royan, Jehan Robin, de SaintPalais, Jacques de la Mothe, de Royan, André Guyet, de Mornac, Pierre Guython le jeune, de Médis, Pierre Moreau, de Meschers, Jacques Chasteau, de Vaux, Pierre Ardouin, de Médis, Jean Portault, du dit lieu, Hillaire Reyaulx, du dit Meschers, Benoit Greffe, de Royan, Rocq Gaschet, de Ribérou, Pierre Chaulet et Guillaume Boutier, de Bordeaux, absent, toutefois les dits Landrault et Audureaulx eux faisant fort pour lui, duquel ils ont répondu, Pierre Marin, de SaintJean d’Angle, Jehan du Guyet, dépensier, aussi absent, desquels le dit Guyton, maître du dit navire, en a répondu et fait son propre fait, Noë Rachart, de Bordeaux, Arnault Guychelyn, du dit Meschers, Mathurin de Salle, de Royan, et Jullien Verdon, du dit lieu de Meschers, présents.

Lesquels, et chacun d’eux, ont promis faire le dit voyage du dit TerreNeuve, avec les absents, mener et conduire avec l’aide de Dieu, le dit navire à la pêcherie des morues, faire au mieux de leur pouvoir, et cette pêcherie faite, mener le navire et le ramener à l’un des ports et havres de Bordeaux ou La Rochelle et, étant à l’un des dits ports ou havre, aussitôt avertir les avitailleurs, en toute diligence, sans que quiconque puisse prendre aucune chose dans le dit navire, sous peine de dommages et intérêts. Et du profit et gain que Dieu ordonnera leur donner à l’issue du dit voyage, et en auront les dits avitailleurs une tierce partie, et le dit maître du dit navire une autre tierce partie, les trois faisant le tout. Et la dite marchandise déchargée, la répartiront si bon leur semble en trois tiers, et en prendront chacun leur tiers, comme dit cidessus.

Et celui ou ceux des dits compagnons ou autres qui serviront dans le dit navire cidessus nommés, ne feront aucune mutinerie ou scandales entre eux qui pourraient causer dommages et intérêts. Au dit cas, les dommages qui pourraient en advenir seraient attribués sur celui ou ceux desquels les dites mutineries ou scandales seraient venus, et de fait paieront tous les dépens, dommages et intérêts. Et tous les susdits pilote, contremaître et autres compagnons du dit navire seront tenus à obéir au dit maître sans mutineries et querelles, et si certains des dits compagnons ne voulaient prendre peine à travailler et faire son devoir, à la dite pêcherie et autrement durant le dit voyage..."

D'après la transcription de Marc Seguin

© Archives départementales de la Gironde, 3E 6506, 1553, 18 mars

Pierre Dugua de Mons

Vers 1560 ~ 1628

Né à Royan vers 1560, ce fils de famille protestante de la presqu’île d’Arvert embrassa très tôt la carrière des armes sous la bannière d’Henri IV. Sa vocation d’explorateur semble lui être venue, à la fois du souci de bien servir le roi en retour des bienfaits de ce dernier à son endroit, et en même temps de réaliser de profitables opérations commerciales. Il est certain qu’il précéda Champlain au Canada, dès 1600, installant en compagnie du Normand Pierre Chauvin, un comptoir de traite de la fourrure à Tadoussac, à l’embouchure du Saguenay.

En 1603, Dugua proposa à Henri IV d’installer à ses frais des établissements permanents en échange du privilège de la traite des fourrures. Il reçut du roi le titre de "lieutenant général des côtes, terres et confins de l’Acadie, du Canada et autres lieux en Nouvelle‑France" et ce, pour y établir une colonie et convertir les Amérindiens à la religion chrétienne. Dugua organisa aussitôt une compagnie de traite en y associant des marchands de Rouen, La Rochelle, Saint‑Malo et Saint‑Jean‑de‑Luz. Il prépara une expédition, engageant des hommes de tous les métiers nécessaires à une implantation durable, sans pour autant s’inquiéter de la religion des recrues. Il embarqua avec lui un prêtre et un pasteur et invita à le suivre, un catholique de Saintonge, Samuel de Champlain, né à Brouage, et plus jeune que lui de 6 ou 7 ans. Le navire, parti du Havre avec Dugua et Champlain le 10 avril 1604, s’appelait "le Don de Dieu".

Le Don de Dieu, maquette de Christian Donguy
© Musée de Royan

Timbre
© Postes canadiennes

Champlain allait se révéler, bien plus qu’un géographe et un cartographe, le véritable scribe de l’expédition, un écrivain remarquablement doué, dont les livres de voyages lui devraient de passer à la postérité, renvoyant dans l’ombre le nom et les qualités de Dugua. Mais tous les auteurs d’ouvrages récents, traitant de cette épopée, s’accordent à souligner l’indéfectible amitié liant les deux hommes, et la totale fidélité de Champlain à celui qui fut son protecteur, son mentor et son inspirateur.

L’établissement, sur l’île de Sainte‑Croix, en Acadie, faillit se transformer en désastre avec les rigueurs inattendues de l’hiver. La moitié des hommes moururent. Le salut vint au printemps lorsque les Amérindiens Etchemins se présentèrent pour échanger de la viande fraîche. Par la suite, Dugua et Champlain transportèrent leur habitation plus à l’est, à Port‑Royal.

Dugua revint en France, en septembre 1605, d’où en 1607, il prévint les colons de Port‑Royal qu’ils devaient rentrer à leur tour, le roi ayant annulé son privilège de traite. Il réussit cependant à le faire prolonger d’une année, ce qui permit à Champlain de fonder l’établissement de Québec, en 1608. Après la perte définitive de son titre de lieutenant général, Dugua continua d’aider la colonie, au prix de mille difficultés. En effet, si Dugua le protestant avait bénéficié de son engagement religieux auprès d’Henri IV, il n’en fut pas de même auprès de Louis XIII, après 1610. Les intrigues et les jalousies, que lui avait values son ascension à la cour, se révélèrent au grand jour. Mais son courage et son obstination, au milieu des tourmentes politiques du moment, permirent finalement à Champlain, d’aller au bout de leurs ambitions communes, en fondant Québec, et de sceller ainsi la pérennité de la présence française en terre canadienne.

Dugua, se retira en son château d’Ardenne, près de Pons, ville dont il avait été gouverneur, entre 1610 et 1617. À chacun de ses retours en France, Champlain ne manquait pas d’aller l’y saluer et d’y séjourner quelque temps. Dugua, mort le 22 février 1628, repose dans le parc de sa demeure, enterré sous un if.

Vue de Royan, vers 1560

© Réalisation Nadu Marsaudon

Il s’agit d’une interprétation artistique s’inspirant de la gravure de Claude Chastillon, ingénieur du Roi, vers 1605. Le château de la famille de Mons est figuré en haut à droite du dessin avec ses deux grosses tours. Il est situé en dehors des remparts, près de l’église Saint‑Pierre, et il fut rebâti au XVIIIe siècle. Il a été reconstruit dans ce dernier style, après 1945.

Samuel de Champlain

Vers 1570 ~ 1635

S’il existe une quasi-certitude que le lieu de naissance de Champlain soit Brouage, l'estimation de sa date de naissance varie entre 1567 et 1580. Un autre mystère demeure, celui de son prénom biblique, Samuel, évoquant une origine protestante, alors qu’il se déclare catholique dès l’écriture de son premier livre. La particule dont il orne son nom est également d’origine indéterminée. Mais le brouillard gommant la silhouette de Champlain (en outre, comme pour Dugua, tous les portraits connus de lui sont fantaisistes !) sied à l’image qui nous est parvenue du personnage, plus artiste et poète que marchand, missionnaire ou chef d’expédition, mais doué d’un courage et d’une rigueur scientifique exemplaire.

Parce qu’il a écrit et illustré le récit de ses voyages, il est plus connu que la plupart des explorateurs de son temps. Il est ainsi l’ancêtre de tous ceux qui, aujourd’hui, cèdent à la mode (plaisante) des "carnets de voyage", de Titouan Lamazou à Stéphane Peyron.
Comment Champlain est‑il devenu aussi avisé à la fois en dessin, géographie, cartographie, écriture documentaire et navigation océanique ? Nul ne le sait vraiment. Il traversa 23 fois l’Atlantique, d’abord vers l’Amérique du Sud, ensuite vers le Canada. À chaque fois, naquit un récit et l’homme devint ethnologue, avec une précision qui n’enlève rien à la facilité allègre d’une écriture simple, directe et toujours imaginative. En fait, il semble que Champlain ait toujours considéré le Canada comme une escale sur la route des Indes, vers où l’entraînaient sa curiosité, son goût perpétuel pour la connaissance des êtres et des choses, l’envie de les décrire et de les faire connaître. En effet, lors de son voyage de 1603, il avait remonté le Saint‑Laurent en étant persuadé qu’il s’agissait du passage vers la mer d’Asie.

Portrait de Samuel de Champlain
d'après B. Moncornet, 1624 © DR

À son retour, il fit au roi Henri IV une relation de son voyage, qui donna lieu à l’édition d’un livre intitulé "Des sauvages". Au‑delà d’un titre réducteur, il s’agit du récit détaillé de l’expédition, laquelle avait pour but, à la fois de découvrir de nouvelles terres et d’évaluer leurs richesses, mais également d’entrer en contact avec les chefs des peuplades indigènes, afin de s’en faire plus tard des alliés pour la traite des fourrures et le commerce en général. Le titre exotique "Des sauvages" est là, peut‑être pour appâter le lecteur, mais surtout parce que Champlain fut impressionné par ses rencontres avec les Montagnais, les Algonquins et les Hurons. Au fil des séjours, il usa couramment d’un paternalisme de bon aloi avec les Amérindiens, s’efforçant de les convertir à son mode de vie et sa religion : il adopta trois "sauvagesses", qu’il nomma Foi, Espérance et Charité. Sa vive intelligence, son esprit d’initiative, ses talents de capteur d’impressions et d’images, permirent que l’entreprise menée par Dugua, à partir de 1604, en Acadie, aboutisse à la fondation emblématique de Québec, en 1608. Il y mourut le 25 décembre 1635.
La grande qualité de ses différents "Livres de voyages" lui valut très tôt sa popularité, en France autant qu’au Canada. Il est souvent nommé le "Père de la Nouvelle‑France". Ce titre aurait dû lui être attribué en partage. Mais Champlain ne peut être accusé d’avoir cherché à l’usurper pour lui seul, alors qu’il fut l’homme de confiance et l’entrepreneur fidèle des projets rêvés et initiés par Dugua.

Les livres de voyages de Champlain


Des sauvages ou, voyage de Samuel Champlain, de Brouage, fait en la France nouvelle, l'an mil six cens trois : contenant les moeurs, façon de vivre, mariages, guerres, & habitations des sauvages de Canadas.
Consultable en ligne sur Gallica


Les voyages du sieur de Champlain, Xaintongeois, capitaine ordinaire pour le Roy, en la marine. Divisez en deux livres, ou journal tres‑fidele des observations faites és descouvertures de la Nouvelle France : tant en la description des terres, costes, rivieres, ports, haures, leurs hauteurs, & plusieurs declinaisons de la guide‑aymant ; qu'en la creance des peuples, leur superstition, façon de vivre & de guerroyer : enrichi de quantité de figures.
Ensemble deux cartes geographiques : la premiere servant à la navigation, dressée selon les compas qui nordestent, sur lesquels les mariniers naviguent : l'autre en son vray meridien, avec ses longitudes & latitudes : à laquelle est adjouté le voyage du destroict qu'ont trouvé les Anglois, au dessus de Labrador, depuis le 53e degré de latitude, jusques au 63e en l'an 1612 cerchans un chemin par le Nord, pour aller à la Chine.

Consultable en ligne sur Gallica


Voyages et découvertes faites en la Nouvelle France, depuis l'année 1615 jusques à la fin de l'année 1618. Par le sieur de Champlain, Cappitaine ordinaire pour le Roy en la mer du Ponant. Où sont descrits les mœurs, coutumes, habits, façons de guerroyer...
Consultable en ligne sur Gallica


Les voyages de la Nouvelle France occidentale, dicte Canada, faits par le Sr de Champlain Xainctongeois, Capitaine pour le Roy en la Marine du Ponant, & toutes les descouvertes qu'il a faites en ce païs depuis l'an 1603 jusques en l'an 1629.
Consultable en ligne sur Gallica


Le reportage
L'épopée de Champlain, de Brouage à Québec
Maison Champlain, Brouage © mativi.fr, 2008

Brouage, vers 1570

Dès sa création, vers 1555, la ville nouvelle de Jacopolis sur Brouage est une place financière d’importance, plaque tournante du commerce et concurrente directe de La Rochelle. Son plan en damier s’organise autour de deux voies majeures menant au port, principal accès à la place. Les parcelles, tracées de façon régulière, sont rapidement bâties et une première enceinte hâtivement érigée. Constituée d’abord de bois et de terre, elle laisse libre le front du havre, qui sera ensuite protégé par un véritable rempart maçonné et crénelé. Autour de la cité, on voit le quadrillage des marais salants et, ici et là, des sauniers avec leurs instruments de travail.
© Coll. Public Record Office, Londres, et Maison Champlain Brouage

Lorsque les gens d'ici découvraient l'Amérique

Cet ouvrage a été édité à la suite de l'exposition éponyme réalisée en juillet‑août 2005 au palais des congrès de Royan

 

ISBN : 978-2-952343-16-9
Auteurs : Bernard Mounier et Patrick Henniquau
Parution : 17/11/2005
21 cm x 29,7 cm, 2 livrets, 22 et 16 pages

La Grosse Aventure : des mariniers Saintongeais vers Terre‑Neuve au XVIe siècle, suivie des portraits de Pierre Dugua de Mons et de Samuel de Champlain.

Le Grand Livre : des voyages de Champlain en Nouvelle‑France, rassemblant les cartes et dessins des différents livres de Samuel de Champlain, légendés par lui‑même.

www.laboutiquederoyan.com

Sources documentaires

  • La Moulue Saurette (La morue salée) - Jean‑René Clergeau. Éditions Bonne Anse, 2005.
  • Pierre Dugua de Mons - Gentilhomme Royannais - Premier Colonisateur du Canada - Lieutenant Général de la Nouvelle‑France de 1603 à 1612. Guy Binot. Éditions Bonne Anse, 2004.
  • Champlain - La découverte du Canada. Caroline Montel-Glénisson. Nouveau Monde Éditions, 2004.
  • Champlain au Canada - Les aventures d’un gentilhomme explorateur. Caroline Montel‑Glénisson. Nouveau Monde Éditions, 2004.
  • Champlain ou les portes du nouveau monde - Cinq siècles d’échanges entre le Centre‑Ouest français et l’Amérique du Nord. Sous la direction de Mickaël Augeron et Dominique Guillemet. Geste Éditions, 2004.
  • Champlain - La naissance de l’Amérique Française. Sous la direction de Raymonde Litalien et Denis Vaugeois. Nouveau Monde Éditions. Septentrion (Sillery, Québec), 2004.
  • Voyages en Nouvelle‑France (1604‑1611) - Samuel de Champlain, (texte établi et présenté par Éric Thierry). Cosmopole, 2001. Arts traditionnels des amerindiens - Michel Noël et Jean Chaumely. Hurtubise HMH (Montréal, Québec), 2001.
  • La France maritime au temps de Louis XIV - Michel Vergé‑Franceschi et Éric Rieth. Éditions du Layeur, 2001.
  • L’Acadie de l'Atlantique - SNA - CEA - CIDEF-AFI (Moncton, New‑Brunswick). Maurice Basque, Nicole Barrieau et Stéphanie Coté. Collection Francophonies, 1999.
  • Pierre Dugua sieur de Mons, Fondateur de Québec - Jean Liebel. Le Croît Vif, Niort, 1999.
    Pour une histoire amérindienne de l'Amérique - Georges E. Sioui. Les presses de l’Université Laval (Québec). L’Harmattan, 1999.
  • Pierre Dugua de Mons - Giro. Imprimerie Gatignol, Royan, 1999.
  • Iroquoisie - Tome 1 (1534-1652) - Léo‑Paul Desrosiers. Septentrion (Sillery, Québec), 1998.
  • La France d'Amérique - Voyages de Samuel Champlain 1604‑1629. Présentation de Jean Glénisson. Imprimerie Nationale, Paris, 1994.
  • Des sauvages - Champlain (texte établi, présenté et annoté par Alain Beaulieu et Réal Ouellet). Éditions Typo (Montréal), 1993 .
  • Les Amérindiens au Québec - culture matérielle. Jean‑Claude Dupont. Éditions Dupont (Sainte‑Foy, Québec), 1993.
  • À la découverte du Canada - La traite des fourrures. Robert Livesey et Smith A.G. Éditions des Plaines (Saint‑Boniface, Manitoba), 1993.
  • La traite des fourrures - Les Français et la découverte de l’Amérique du Nord. Musée du Nouveau Monde de La Rochelle (collectif). Éditions de l’Albaron, 1992.
  • Le monde de Jacques Cartier - L’aventure au XVIe siècle. Fernand Braudel. Éditions Berger‑Levrault, Paris, 1984.
  • Les Acadiens piétons de l'Atlantique - Bernard Mounier. Éditions Lacombe, Montréal, 1983.